SAINT-JOURS Yves
Né le 4 août 1930 à Morcenx (Landes) ; forestier, puis juriste en droit du travail et professeur d’université ; militant de l’UJRF et du PCF.




Né dans une famille de forestiers landais, Yves Saint-Jours n’a suivi qu’un enseignement primaire conclu par le CEP avant d’accompagner son père qui dirigeait une petite scierie itinérante à travers les forêts du département. De santé assez fragile, il lisait déjà beaucoup et se sentait révolté contre l’exploitation capitaliste. C’est ainsi qu’il eut entre les mains un numéro de L’Avant-Garde, le journal des Jeunesses communistes devenues UJRF, et décida d’adhérer. C’était à l’automne 1946, au siège départemental à Dax. Mais c’est dans sa ville natale de Morcenx, une petite cité ouvrière sur la ligne de chemin de fer Bordeaux-Bayonne qui comptait quelques élus communistes, qu’il se sentait intégré. Il prit vite des responsabilités dans le mouvement communiste, parmi la quarantaine de jeunes militants ou sympathisants. Sa famille paternelle fut surprise par cet engagement qui ne correspondait pas aux traditions familiales, mais n’y fit pas obstacle.
En 1947, avant le congrès départemental de l’UJRF, il adhéra au PCF sous l’influence d’un instituteur qui dirigeait la section, un ancien de la SFIO. En vue du 2e Congrès national de l’organisation de jeunesse, à Lyon en mai 1948, il fut promu au bureau départemental, et Jean Bourlon, réélu secrétaire fédéral de l’UJRF, se déchargea sur lui des responsabilités envers la jeunesse. Parallèlement, il fut successivement membre des comités fédéraux du PCF des Landes puis, au cours d’un séjour dans ce département, de la Haute-Garonne.
L’UJRF et le PCF étaient très actifs dans le milieu de métayers de la région. Ils menèrent une lutte qui culmina par de très fortes manifestations en 1950 contre ce système d’exploitation qui touchait les couches les plus pauvres de la population rurale. L’influence du tribun paysan Renaud-Jean restait grande dans cette mise en cause du métayage. La répression se solda par des emprisonnements et deux expulsions de métayers. Par la suite, les propriétaires acceptèrent d’appliquer la loi et réorientèrent leurs capitaux vers des placements plus avantageux qu’un métayage en fin de course. En tant que militant de la jeunesse, Yves Saint-Jours suivit alors une école du Parti.
1950, c’était aussi l’année où culminait la lutte contre la guerre d’Indochine, et celle où Yves Saint-Jours devait partir à l’armée. Juste avant cette échéance, au mois d’août, il apprit que des marins devant partir pour l’Indochine étaient venus s’entraîner à Mimizan. Toute action prévue en leur direction avait été annulée à cause du risque de répression, mais lui décida de passer outre en distribuant les tracts prévus. Il fut arrêté l’après-midi, à la plage, alors qu’il était parti se baigner ; une délégation rassemblée à l’appel d’organisations proches du PCF parvint à le faire libérer de la prison de la gendarmerie de Pontenx-les-Forges (Landes) où il était enfermé. Il fut ensuite incorporé à Orange, mais sur ses dix-huit mois de service, il passa cent-vingt jours en prison, dont quarante au secret au Puget-sur-Argens pour avoir pris la parole aux Assises pour la Paix du Var, à Draguignan. Il fut ballotté d’un régiment à l’autre, d’Orange à Bastia en passant par une unité de chasseurs alpins comme éclaireur-skieur, alors qu’il n’avait jamais pratiqué le ski ni les courses en montagne. Entre-temps, il avait été élu au Comité national de l’UJRF au 3e Congrès national de Gennevilliers en décembre 1950.
Revenu dans les Landes, et désormais bien connu localement, il eut des difficultés à trouver du travail. Chargé par l’U.J.R.F. d’aller aider à la préparation du festival de la jeunesse à Toulouse, qui s’était tenu en juillet 1952, lequel se prononça très fortement pour la libération de Jacques Duclos emprisonné dans le cadre de l’ « affaire des pigeons ». Admis à un stage de formation professionnelle pour adultes, il en fut renvoyé comme élément « perturbateur ». Après un temps de petits boulots, il fut coopté au bureau national de l’UJRF en février 1953, et rejoignit Paris pour contribuer à suppléer les membres élus, qui poursuivis pour leur opposition à la guerre d’Indochine étaient en prison ou en fuite. Il y fut confirmé au 4e Congrès de Montreuil en mai. En avril 1955, au 5e Congrès de l’UJRF, il n’était maintenu qu’au comité national.
Le 2 mai 1955, il entrait comme aide-comptable à La Vie ouvrière, l’hebdomadaire de la CGT, alors dirigée par Gaston Monmousseau. Ce fut le tournant de sa vie. Il entreprit en cours du soir de préparer une capacité en droit, puis une licence, et fut alors coopté à la rédaction juridique qui éditait aussi une revue, devenue par la suite Revue pratique de droit social. Il fut recruté en 1967 comme assistant à l’Institut des sciences sociales du travail, dirigé par le professeur Gérard Lyon-Caen. Au fil des ans, il devint un spécialiste reconnu en droit du travail, préparant une thèse sur la Sécurité sociale sous la direction de G. Lyon-Caen. Il publia de nombreux articles sur le droit du travail dans différentes revues (Droit ouvrier, Recueil Dalloz, Semaine juridique (J.C.P), Revue de droit sanitaire et social, etc.), et des livres parmi lesquels un Traité de la Sécurité sociale publié sous sa direction. La thèse soutenue en 1971 et il prépara l’équivalence de l’agrégation par la voie longue, après un échec au concours classique. G.Lyon-Caen lui proposa de le remplacer au bureau de l’Institut européen de Sécurité sociale qu’il avait contribué à fonder à Bruxelles. A partir de 1972, il occupa un poste de maître-assistant à l’Université de Paris 1, enseignant à l’U.E.R Travail et études sociales. Après avoir subi un échec au concours de recrutement des professeurs de droit à la voie longue en 1981, il fut admis en 1985 et nommé professeur de droit privé, chargé du droit social à l’Université de Perpignan. Il occupa son poste jusqu’à la retraite en 1999, restant ensuite professeur émérite. Entre temps il avait créé La Revue d’économie sociale (1984-1992).
Il acquit une réputation internationale par sa participation à de nombreux colloques notamment en Allemagne (1978, 1985, 1993, 1997), Autriche (1987), Espagne (1983), Grèce (1988), Angleterre (1973, 1992), Belgique (1985, 1986), Pays-Bas (1969, 1982), Italie (1974, 1991), Irlande (1977), Venezuela (1985), Tunisie (1989), Corée (1994), Israël (1995), Argentine (1998) et Canada (1999). En tant qu’universitaire, il séjourna dans trois pays de l’Est : la Pologne, la Yougoslavie et la Hongrie.
Pendant tout ce temps, il continuait à militer au Parti communiste, membre de la Commission des questions sociales auprès du Comité central de 1984 à 1986, sous la responsabilité de Claude Poperen et de Yann Viens, et membre du bureau de la cellule de l’Université de Perpignan. Il est toujours membre du PCF en 2011, n’ayant jamais ressenti de désaccords profonds avec son parti, mais il n’assure plus de responsabilité particulière, seulement des collaborations ponctuelles. Il occupe une partie de sa retraite à écrire ses mémoires dont le titre sera Au Fil des luttes sociales : du prolétariat forestier au professorat d’université.
Yves Saint-Jours s’est marié en mai 1955 avec Jacqueline Piva, elle aussi militante du PCF. Le couple a eu trois enfants, des petits-enfants, et est resté fixé dans les Pyrénées-Orientales.

ŒUVRES (choix) : La Faute dans le droit général de la sécurité sociale, Thèse d’État, université de Paris 1. Préface de Gérard Lyon-Caen. LGDJ, 1972, tome XVI de la Bibliothèque de droit social ; Le Droit pénal de la sécurité sociale, PUF, 1973 ; Le Syndicalisme dans la fonction publique, La Documentation française, 1975 ; Le droit du travail dans le secteur public, LGDJ 1977 réédition 1986, Le Droit de la sécurité sociale tome I du traité LGDJ, 1980, Les Accidents du travail en collaboration avec Nicolas Alvarez et Isabelle Vacarie tome III du traité LGDJ, 1982, La Mutualité, en collaboration avec Michel Dreyfus et Dominique Durand, tome V du traité LGDJ, 1990. De nombreux articles dans de multiples revues : Dalloz, Droit social, Droit ouvrier

SOURCES : L’Avant-Garde, n°323, 3 janvier 1951 ; n°444, 3 juin 1953 ; n°2 nouvelle série, 24 avril 1955. — Entretien téléphonique avec l’intéressé, précisé par message électronique, février-mars 2011. — Entrevue, 1er juillet 2011.

Marc Giovaninetti, Miquèl Ruquet